Un nouveau centre animalier à l’Orangerie pour un nouveau rapport à la faune
Écrit par Team Défricheurs sur juillet 5, 2024
Construit en 1903, le mini-zoo de l’Orangerie fermé depuis 2022 va bientôt être transformé en un tout nouvel espace pédagogique multi-associatif afin de mieux respecter le bien-être animal et d’inciter à la découverte de la faune locale. Enquête sur ce nouveau projet à la philosophie bien différente.
Un projet né de la mobilisation citoyenne
En 2022, la mairie fait fermer le zoo du parc de l’Orangerie. Il était visé par une plainte en 2013 et par une pétition en 2019 ayant rassemblé plus de 65 000 signatures dénonçant les conditions de vie des animaux.
Hormis deux mouflons malades qui sont encore en quête d’une structure d’accueil, la totalité des animaux ont été replacés dans divers parcs et sanctuaires français et allemands.
Cinq associations environnementales ont été sélectionnées pour donner naissance à ce futur centre de préservation des espèces animales. Ethosph’R, Alsace Nature, SINE, LPO Alsace et la Fondation pour les Ours sont bien déterminées à valoriser la faune locale.
Mettre fin au paradigme de la captivité
Ce nouvel espace s’inscrit dans une transformation complète de la stratégie de l’ancien zoo. L’idée est de le « faire revivre différemment » suivant le fil conducteur de la fin de la captivité animale. En rupture avec l’enfermement des macaques dans des cages trop petites, les associations prônent une reconsidération de la relation à la nature en ville et une évolution du regard sur « nos compagnons à poils et à plumes ».
La présidente de l’association Ethosph’R Odile Petit veut ainsi instaurer un nouveau rapport à l’animal. Plus question de les enfermer dans des grillages, les espèces profiteront d’un sol enherbé et pourront sortir à leur gré. L’isolement et l’ennui seront aussi pris en compte via la présence de partenaires sociaux et le développement de structures enrichies afin de les stimuler cognitivement.
Le président de Strasbourg Initiation Nature Environnement (SINE) Bernard Hermann se désole en effet que lorsqu’on demande à une classe de citer des animaux, les élèves évoquent « l’ours, le tigre, le pingouin… que des trucs exotiques ». Une profonde méconnaissance de la faune locale, pourtant très riche dans l’Orangerie, des écureuils aux corbeaux, en passant par les cygnes et bien sûr les cigognes. Considérant la captivité « démodée, dépassée », M. Hermann nous appelle à devenir « les observateurs avisés de la dynamique de la vie plutôt que les consommateurs d’une nature captive ».
Prendre en charge les animaux blessés
Un autre objectif de ce projet est porté par la LPO Alsace (Ligue de Protection des Oiseaux). Son président Yves Muller explique en effet sa volonté de créer ici un antenne relais en complément du centre de soins de Rosenwiller. Les citoyennes et citoyens pourront ainsi déposer directement au cœur de Strasbourg les animaux blessés, afin qu’ils soient par suite transférés vers le centre de soins. En gardant cet objectif de prise en charge, M. Muller ouvre tout de même la voie à l’installation de caméras qui pourraient permettre au public de voir les animaux sans que ces derniers ne s’habituent à la présence humaine, dans le souci constant de pouvoir les relâcher par la suite.
Former et éduquer à la biodiversité
Mme Petit souligne également la nécessité de répondre aux questions pratiques du public, notamment sur l’adoption de poules qui se démocratise de plus en plus. Ethosph’R souhaite ainsi organiser des projections dans la salle pédagogique, mais aussi des débats et des conférences pour les publics de tout âge, accessibles gratuitement. Seront au programme des formations au renforcement positif comme nouvelle manière d’éduquer ses animaux domestiques ou encore des ateliers d’initiation à l’écologie.
« Aimer les animaux, c’est accepter de ne pas les voir » explique la représentante de la Fondation pour les Ours. Au contraire du fonctionnement d’un zoo, le public sera invité à des déambulations dans le parc afin d’observer des animaux dans « le seul cadre de vie vraiment respectueux » : la nature.
Ce changement de paradigme se manifeste en outre par la création d’une Maison d’Initiation au Comportement Animal de l’Orangerie (MICADO). L’objectif est de sensibiliser à l’éthologie avec des animaux sortis de laboratoire. Des rats ou encore des cochons en provenance de toute la France seront donc accueillis ici. Le public sera alors invité à découvrir et à comprendre leur comportement social.
Un appel citoyen pour trouver le nom de ce futur espace
Le parc de l’Orangerie étant classé au titre des monuments historiques, les travaux nécessitent des arrangements et des concertations qui pourront ralentir la mise en œuvre du nouveau projet. L’espace de la mini-ferme n’est cependant que peu concerné et pourrait être opérationnel dès 2025. Le bâtiment historique du zoo quant à lui devrait attendre 2026 pour le début des travaux et 2027 pour leur finalisation. On compte au total 320 m² de locaux et 800 m² de cour extérieure « à revoir complètement non plus en fonction du public mais en fonction des animaux dont ce sera le lieu de vie ».
Reste une inconnue : comment s’appellera cette nouvelle structure, à rebours des zoos et parc animaliers traditionnels ? Jeanne Barseghian ne tranche pas la question et annonce une « consultation citoyenne à partir de la rentrée 2024 » en vue de nommer officiellement le successeur du zoo de l’Orangerie.
Ce nouveau projet, longtemps attendu par les associations, les citoyen-nes et les élu-es semble donc faire consensus. Il a même été approuvé à l’unanimité par le conseil municipal : « si cet esprit de concorde pouvait souffler plus souvent lors des prochaines séances, ce serait un sujet de satisfaction pour tous je pense » pointe Bernard Hermann. Les élu-es municipaux entendront-ils le message ?
Victor Morhain