Interview de Claire Gomis : Apprendre en pleine nature

Écrit par sur juillet 2, 2023

Les Défricheurs ont rencontré Claire Gomis, enseignante d’une classe de CM1/CM2 depuis huit ans à l’école Alice Mosnier situé dans le quartier Neuhof Sud.

Depuis trois ans, elle se rend tous les jeudis matin, de 9h30 à 11h30, en forêt avec ses élèves âgés de 9 à 11 ans. 

Elle nous raconté cette expérience pédagogique, lors d’un interview :

LD : Pourquoi faire l’école dans la nature ? 

CG : L’idée m’est venue car j’aime beaucoup me promener dans la nature. Cela m’apaise beaucoup. Dans le quartier, il y a une forêt à dix minutes de l’école et j’avais très envie d’y emmener mes élèves de manière régulière. 

LD : En quoi consiste « l’école en forêt » ? 

CG : On va [en forêt] une matinée par semaine et on y fait toutes sortes d’activités. Ça peut être des activités artistiques, scientifiques, du français par la production de texte ou la lecture, parfois des activités mathématiques et beaucoup de jeux.

LD : Quels changements positifs avez-vous remarqué chez les élèves depuis que vous faites l’école en forêt ?

CG : Je les trouve beaucoup plus attentifs à ce qui les entoure. Le plus gros changement au cours d’une année, c’est la relation qu’ils entretiennent entre eux au niveau [de la] coopération. Ils se créent ensemble des projets dans la nature qu’ils continuent d’une semaine à l’autre.

LD : Les élèves ont-ils envie d’aller à la forêt pour apprendre ? 

CG : Oui, ils attendent [les sorties en forêt] avec impatience. Les jeudis où l’on n’y va pas, c’est le drame. [Si] un ou deux élèves aiment un peu moins, dans l’ensemble c’est quelque chose qu’ils aiment beaucoup. Maintenant, si vous leur demandez : est-ce que vous y allez pour apprendre ? Ils vous diront : Non, on y va pour jouer. C’est le bon côté de la forêt.

Ils apprennent beaucoup de choses sans s’en rendre compte.

LD : Justement, qu’apprend-t-on en forêt ?

CG : [Dans la forêt] les élèves développent des manières d’être et de penser. Le plus gros apprentissage est l’amour de la nature, apprendre à aimer les petites bêtes, à aimer les plantes [mais aussi] la manière d’être ensemble. Quand ils sont assis en classe, ils ne vont pas interagir de la même manière que quand ils sont en pleine liberté dans la forêt. Ils vont créer des liens entre eux et des manières de travailler qu’ils ne vont pas développer au sein d’une classe.

LD : A partir de quel âge les enfants peuvent-ils faire l’école en forêt ? 

CG : Dès tout petits. Il va falloir plus d’adultes qui accompagnent quand ils sont tout petits. Je pense que plus tôt ça se développe, mieux c’est pour eux.

LD : Qu’en ont pensé les parents quand vous avez décidé de faire l’école en forêt ? 

CG : Quand j’ai lancé l’école en forêt, je m’attendais [à ce que les parents aient des craintes et des peurs] mais en fait je n’en ai pas eu du tout. Il a pu arriver qu’on me dise qu’il faisait trop froid [pour une sortie en extérieur] mais comme on dit « Il n’y a pas de mauvaise météo, il n’y a que des mauvais vêtements ». Au contraire, j’ai commencé post-covid [et donc les parents] étaient contents que leurs enfants puissent être davantage à l’extérieur.

[Maintenant] j’ai des retours très positifs des parents qui me remercient de mettre en place ce projet et qui sont contents que ça se perpétue d’une année à l’autre. Des parents de fratries demandent que le petit frère ou la petite sœur puisse en bénéficier également. Les enfants me disent aussi que le week-end, ils leur arrive d’aller en forêt en famille pour leur montrer leur cabane et leurs découvertes.

LD : Pour mettre en place un projet de classe-forêt, quels conseils donneriez-vous aux enseignants ?

CG : Le plus grand préalable c’est d’en avoir envie et de se lancer sans trop se poser de questions car quand on commence à se poser trop de questions on va voir toutes les contraintes, tous les freins et on va avoir de plus en plus peur. Il faut commencer sans trop d’ambition, avec des sorties toutes simples, prendre un encadrement qui vous convient et ne pas trop définir d’objectifs à l’avance.

Dans un premier temps, [il faut] se laisser porter. C’est [aussi] intéressant de se faire accompagner. La première année, j’ai été accompagnée par une animatrice nature du Cine de Bussierre. Cela m’a été très bénéfique. Elle m’a donné des conseils, [lors des sorties en forêt].

Tiana ALRIC