Danielle Dambach : « Schiltigheim est une ville où l’on ose ! »
Écrit par Elise Baumann sur juillet 18, 2018
Élue en avril 2018 maire de Schiltigheim, deuxième commune de l’Eurométropole en nombre d’habitants, Danielle Dambach est désormais bien installée à l’Hôtel de ville, et a commencé à mettre en œuvre son programme. « Écologiste indépendante de tout parti », elle revendique une nouvelle manière de gouverner, se disant plus proche des Schilikois, à travers notamment l’organisation de réunions publiques d’informations sur les grands et petits chantiers de la Ville. Rencontre avec la nouvelle maire de Schiltigheim qui succède à Jean-Marie Kutner, et qui compte bien, malgré un mandat court (les prochaines élections municipales auront lieu en 2020), laisser sa marque.
Les Défricheurs : Vous avez été élue en avril maire de Schiltigheim, après des élections municipales anticipées. Trois mois après, quel bilan pouvez-vous tirer de vos premiers pas en tant que maire ?
Danielle Dambach : Le bilan est assez positif et mes premières rencontres avec les Schilikois sont vraiment constructives. J’essaie de rester à l’écoute des habitants, aussi bien sur les sujets de proximité que sur les grands projets. J’ai organisé par exemple deux grandes réunions publiques, l’une sur le projet de reconversion de la brasserie Fischer, l’autre sur la médiathèque, et huit sur des sujets de proximité, très concrets, qui touchent à la vie quotidienne des habitants.
Par exemple sur la construction de la nouvelle Médiathèque, j’ai organisé une réunion publique pour informer les habitants de l’avancement du projet. Celui-ci comprend 130 logements, j’aurais voulu qu’il n’y en ait pas du tout mais mon prédécesseur avait déjà tout décidé auprès des promoteurs immobiliers concernés.
Autre exemple : l’aménagement de la rue des Chasseurs, pour lequel nous avons organisé une « réunion de proximité », qui a rassemblé près de 150 personnes. Nous avons directement demandé leur avis aux habitants : comment aménager cette rue, faut-il la mettre en sens unique, où permettre la circulation des piétons, des cyclistes, etc. Chacun s’exprime, je fais une synthèse et je prends ma décision en fonction.
LD: Quelles sont vos priorités pour les deux années à venir, avant les prochaines élections municipales ?
Nous en avons cinq, qui toutes avancent bien : l’aménagement du tram tout d’abord, qui figurait dans notre programme de campagne. J’ai rencontré Roland Ries et Alain Fontanel sur cette question, et nous allons mettre en place des ateliers de projet en place, dès l’automne, pour avoir un tracé à montrer aux habitants avant 2020.
Le projet de l’ANRU [Agence nationale pour la rénovation urbaine, ndlr] également, c’est-à-dire le projet de renouvellement urbain dans le quartier des Écrivains, que nous menons de concert avec la Ville de Bischheim. Dans ce projet, nous prévoyons de construire une Maison des Arts, et un Centre de santé, afin de permettre aux habitants d’avoir un parcours de santé qui leur est propre, en passant par des professionnels.
La Médiathèque ensuite, dont l’ouverture est prévue en 2021. J’ai réussi à obtenir quelques modifications du projet initial décidé par mon prédécesseur, comme un aménagement plus végétalisé des parkings.
La préservation du Parc de l’Aar, qui restera un parc et ne sera pas ouvert à l’urbanisation, même pas dans les règles. Il n’y aura pas non plus de géant mondial de la restauration rapide, donc pas de KFC en remplacement du Francesca. Moi et mon équipe sommes en train de chercher un restaurateur plus éthique, qui produira moins de déchets. Nous avons pensé à Pur etc, mais rien n’est fait pour le moment.
Enfin, l’opération Fischer avec l’arrivée du MK2 et la valorisation de ce patrimoine industriel important. Nous avançons progressivement sur la réalisation de ce quartier.
LD: Beaucoup de ces opérations ont été lancées par le précédent maire Jean-Marie Kutner, et vous ne disposez que deux ans jusqu’aux prochaines élections municipales de 2020 pour avancer sur tous ces projets. N’avez-vous pas l’impression d’avoir les mains liées ?
Bien sûr nous avons un héritage, mais il n’y a rien de désespéré dans le sens où il y a encore des choses que l’on peut faire évoluer. Ça n’évolue pas toujours comme nous l’aurions souhaité dans l’idéal, mais cela évolue quand même. Je prends l’exemple de la maison du Dinghof : un immeuble va se construire à côté de cette maison colongère du XVIIe siècle, que nous voulons préserver. Les promoteurs ont obtenu l’autorisation de construire ; je pensais pouvoir contester la vente mais c’est impossible, tout est dans les clous juridiquement. J’ai toutefois obtenu qu’ils nous restituent la maison colongère et nous la restaurerons sur sa cave, sans qu’elle soit déplacée.
Même situation avec le projet de médiathèque, qui devrait ouvrir en 2021. Je n’ai pu infléchir le nombre de logements que le bâtiment comptera, mais j’ai pu négocier quelques aménagements avec les promoteurs immobiliers. Là encore, nous n’avons d’autre choix, quand toutes les décisions ont été prises, d’avancer par la négociation.
LD: Vous revendiquez, en tant que maire de Schiltigheim, un fonctionnement basé sur la « démocratie participative ». Comment cela se traduit-il concrètement dans votre manière de travailler ?
Il y a trois volets dans la mise en œuvre de la démocratie participative à la mairie de Schiltigheim : les réunions « grands projets », les réunions de proximité et il y aura, à partir de la rentrée, une conseillère déléguée chargée de la démocratie participative, qui aura pour mission d’instaurer un dialogue permanent avec les habitants quartier par quartier.
Mon abord avec les habitants est plus apaisé que mon prédécesseur. Je n’ai pas peur de les rencontrer et de leur donner du temps, et je fais beaucoup de pédagogie, j’explique ce que je fais. C’est à moi de leur expliquer pourquoi je prends telle ou telle décision. C’est une façon plus humble, plus simple, et beaucoup plus transparente d’aborder la politique.
On ne peut pas rester dans les vieux schémas du XXe siècle, où le maire était un notable de sa commune et tout tournait autour. Ce modèle ne marche plus, et c’est tant mieux. Même si ce n’est pas possible d’être dans la consultation et le lien permanent avec les habitants car cela prend beaucoup de temps, la pédagogie, la consultation et l’écoute doivent être nos maîtres-mots. C’est une autre manière de faire de la politique : le maire garde le pouvoir de décider, mais après avoir consulté.
LD: Revenons sur votre approche de la politique : vous vous revendiquez « écologiste », malgré le fait que vous n’êtes plus encartée chez EELV (Europe-Ecologie-Les Verts). Que signifie être « écolo » en 2018 ?
C’est déjà être exemplaire dans sa façon d’être, par exemple dans la manière de se déplacer : je le fais au maximum à pied ou en vélo. C’est aussi prendre des mesures qui impactent le moins possible l’environnement et la planète : par exemple lorsque je serai amenée à accorder un permis de construire, je veillerai à créer plus d’espaces verts en pleine terre. Pour l’aménagement d’un quartier, je veillerai à ce qu’il y ait des parcs de proximité, à créer des espaces de respiration, comme un jardin partagé, un verger…
Cela passe également par le fait de garder un lien avec la nature : par exemple à la rentrée nous allons permettre aux Schilikois de prendre des poules dans leur jardin, selon un cadre très précis afin de veiller au bien-être animal. J’avais proposé, lorsque j’étais adjointe, d’installer des ruches sur le toit de l’hôtel de ville. Ces ruches sont encore là, et ont produit 60 kilos de miel cette année. Ce miel sera redistribué aux agents de la Ville.
C’est aussi favoriser le développement durable dans toutes les actions de la Ville. Par exemple, sur la place de l’Hôtel de ville, qui est très minérale, nous aimerions mettre en place au printemps prochain des jardins éphémères. Tout cela doit permettre de réinjecter de la vie et de l’humain au cœur de Schiltigheim.
LD: Vous représenterez-vous en 2020, lors des prochaines élections municipales ?
Oui bien sûr, si ma santé le permet et si l’équipe me donne toujours envie de continuer. Cela fait 45 ans que j’habite à Schiltigheim, et je suis heureuse d’y habiter car c’est une ville très agréable, où il se passe beaucoup de choses. Schiltigheim est dans un tournant, c’est une ville-laboratoire, une ville où l’on ose, une ville en transition ; et mener cette transition, c’est très enthousiasmant ! Schiltigheim dispose d’un patrimoine industriel et immobilier formidable, qu’il faut réveiller et revaloriser.
J’étais auparavant enseignante en RASED [Réseaux d’aide spécialisés aux élèves en difficulté, ndlr], donc je côtoyais des élèves en difficulté. J’ai adoré mon métier parce que j’ai adoré mener des projets avec des enfants en qui plus grand-monde ne croyait. Aujourd’hui, je me retrouve dans un défi similaire, avec une ville en crise, qu’il faut apaiser.
Maintenant que je suis retraitée, je me sens très libre, je n’appartiens à aucun mouvement politique, même si j’ai le cœur à gauche. Je suis libre aussi du fait de ma situation familiale, j’ai beaucoup de temps à ma disposition, donc c’est maintenant !