La « Marche des Cobayes » arrivée au Parlement européen pour défendre la santé environnementale
Écrit par Elise Baumann sur juillet 4, 2018
Partis de Fos-sur-Mer le 2 mai, les marcheurs du groupe « Tous cobayes » sont arrivés à Strasbourg le 3 juillet au matin, et ont manifesté devant le Parlement européen pour porter leurs revendications devant les eurodéputés. Lutte contre la malbouffe, la pollution, l’exposition aux produits toxiques et dénonciation de l’action politique des lobbies… sont autant de chevaux de bataille portés par ce petit groupe de citoyens révoltés, mais pas résignés.
C’est une joyeuse petite troupe qui s’installe, mardi 3 juillet au matin, devant le Parlement européen. Une dizaine d’entre eux, certains portant un T-shirt à l’effigie du groupe des « Cobayes », sont partis de Fos-sur-Mer le 2 mai, et ont rejoint Paris le 30 juin, puis Bruxelles les 1er et 2 juillet. Dernière étape : le Parlement européen à Strasbourg, où ils ont manifesté et où leur périple se termine.
Le groupe, qui compte une dizaine de marcheurs présents depuis le début du périple, rejoints au fil du voyage par des personnes sensibles à leurs combats, portent des revendications diverses : la lutte contre la pollution, contre la malbouffe, l’exposition aux produits toxiques via les médicaments ou l’alimentation, ou encore l’influence politique des grands lobbies, font partie des principaux thèmes évoqués par les marcheurs.
Camille Lambert, membre de ce petit collectif, retrace la genèse de la Marche des Cobayes, ou « Marche vérité et justice pour la santé environnementale » :
Le groupe s’est formé à l’initiative de l’Association des malades de la thyroïde, après le scandale provoqué par le changement de molécule du Levothyrox. L’objectif était d’organiser une grande marche pour rendre visibles les victimes du nouveau médicament. Progressivement le projet a pris forme et 80 autres associations, comme les Amis de la Terre ou Générations Futures, ont signé l’appel à rejoindre la Marche, à l’initiative de l’eurodéputée Michèle Rivasi.
Dernière étape de la @marchecobayes à Strasbourg! Enfin nous sommes en mouvement pour reconnaître les victimes, lancer une expertise indépendante, défendre l’intérêt commun et la santé!
Merci aux marcheurs d’avoir mener la première marche pour la santé et l’environnement! pic.twitter.com/Mg54Q5E9WS
— Michèle Rivasi (@MicheleRivasi) 3 juillet 2018
Le point de départ de la Marche, le 1er mai, n’a bien sûr pas été anodin, explique Camille Lambert :
Fos-sur-Mer est l’une des villes les plus polluées d’Europe, et il nous paraissait important de commencer la marche là-bas. Dans chaque ville traversée ensuite, nous avons organisé des débats et rencontres avec les habitants, sur des thèmes qui faisaient sens localement. Par exemple à Belleville-sur-Loire, le débat portait sur le nucléaire, à Marseille c’était sur la pollution de l’eau… A chaque fois nous avons rencontré un écho positif de la part des populations rencontrées !
Les marcheurs ont rejoint Paris le 30 juin, en passant par Grenoble, Lyon (où ils ont rejoint la Marche solidaire pour les migrants le 24 mai), Belleville-sur-Loire, Montargis…
« Une expérience humaine fabuleuse »
Jean-Marc, le chauffeur du groupe (qui acheminait de ville en ville le matériel du groupe et véhiculait une infirmière chargée de soigner les petits bobos des marcheurs éprouvés), a rejoint le collectif quelques jours seulement avant le départ. Sa maison vendue, ses enfants prévenus, le voilà à nouveau sur les routes, comme « dans [sa] jeunesse », pour « s’investir pour l’environnement » :
C’est une expérience humaine fabuleuse ! La marche nous permet de rencontrer des personnes aux parcours très différents et surtout de prendre le temps de les connaître. J’ai surnommé la voiture du groupe « Auto-psy », car dans un lieu fermé comme une voiture, les gens qu’on emmène sont enclins à raconter leur expérience et leur parcours militant. C’est très enrichissant du point de vue humain !
Naggia, qui habite à Marseillaise et a rejoint la Marche à Grenoble, revendique sa participation au groupe des Cobayes « en tant que citoyenne », tout simplement. Touchée par le désarroi d’une partie de la population de sa ville vivant dans des zones polluées, « sans accès à des espaces verts ni à des bibliothèques », Naggia veut, à travers son engagement, « encourager les gens à se mobiliser » :
La marche a permis de libérer la parole des gens que nous rencontrions : enfin ils avaient le sentiment d’être entendus et d’être compris par de simples citoyens comme eux. Je voudrais aujourd’hui que la marche se généralise, en France et en Europe, que l’ensemble de la population française voire européenne se mobilise !
Pendant la discussion, Ellda, une Strasbourgeoise qui n’a pas participé à la Marche mais qui a tenu à être présente à la manifestation devant le Parlement européen, approuve :
Je suis résistante à pied, à vélo, comme je peux ! J’ai l’impression d’être à contre-courant et c’est fatiguant. Autour de moi, mes proches et mes amis sont déprimés, et ont le sentiment d’être impuissants. Il faut aller au-delà de cette impression de ne pas avoir d’issue et continuer à se mobiliser.
Soutien de l’eurodéputé Yannick Jadot
Le petit groupe de marcheurs, rejoints au cours de la matinée par des Strasbourgeois sensibles à l’appel lancé par les Cobayes, continue la distribution de tracts devant le Parlement européen. Parfois sans grand succès : les hordes de lycéens venus d’Allemagne ou de plus loin pour visiter l’hémicycle n’y comprennent mot.
Soudain apparaît Yannick Jadot, venu saluer les marcheurs. L’eurodéputé du groupe des Verts/ALE a déjà rencontré le petit groupe à Belleville-sur-Loire (le 18 juin) et Lyon ; pour lui, l’investissement des marcheurs dans le domaine de la santé environnementale est crucial :
Nous sommes aujourd’hui dans un grand moment de prise de conscience de la part des citoyens, partout en Europe, face aux dangers qui pèsent contre le climat, la biodiversité et la santé. Ce sont aux citoyens de mettre la pression aux gouvernements, pour qu’ils prennent des décisions fortes en matière de protection de notre environnement et pour s’opposer aux grands groupes industriels qui mettent en péril notre santé et participent à la pollution de l’air.
Une rencontre avec Nicolas Hulot prévue vers la fin du mois de juillet
L’avenir de la Marche reste à ce jour incertain. Camille Lambert, l’une des marcheuses de la première heure, indique avoir pris contact avec le gouvernement :
Nous avons rencontré des membres du cabinet de Nicolas Hulot [ministre de la Transition écologique et solidaire, ndlr], et nous rencontrerons le ministre lui-même fin juillet. Nous avons également sollicité un rendez-vous auprès du ministère de la Santé par exemple. On sent qu’il y a une vraie écoute, que le thème de la santé environnementale intéresse et mobilise. Reste à savoir par quelles avancées concrètes cela va se traduire…
En attendant, le groupe des « Cobayes » réfléchit à mettre en place, en collaboration avec les associations déjà engagées sur le sujet, une plateforme de revendications, avec l’objectif de « rendre visibles les victimes et les soutenir dans leurs démarches d’indemnisation », explique Camille Lambert.
Pour Jean-Marc, l’enjeu maintenant que la Marche est terminée, est de ne pas « perdre contact avec les personnes rencontrées » au fil du périple :
Il faudra essayer de capitaliser ce que nous avons amassé tout au long de la Marche, pour ne pas laisser tomber les personnes que nous avons rencontrées et continuer à porter leurs revendications.
Cela se fera-t-il à travers la création d’une association, d’une fondation ? Les marcheurs se redonnent rendez-vous en septembre pour en décider.